One sentence says to the other that the tree is a metaphor waiting to be killed.

 

Two poems by Mohammed El Amraoui, translated by Sam Ross

These poems are from Mohammed El Amraoui’s Stories, Scores, and Photographs, a book that I love for its energetic depiction of figures and voices engaging with a complex, contemporary, and violent world.
—Sam Ross

H.

by Mohammed El Amraoui

Il est étrange l’arbre

là-bas,

comment ça s’appelle,

dit H.

Si tu ouvres la fenêtre

vers cinq heures

du mat, tu verras

un type

qui rôde autour,

fait sa vidange,

puis encore fait le tour

comme pour chercher

quelque chose

puis gare ensuite

ses fesses sur le banc

à côté. Et c’est tous les jours

comme ça.

Rictus dilaté

par la peur,

sorte de sourire dévié.

Visage antique

à hauteur de non-sens :

comme épaisse

hétérogénéité, brune

foncée ou surface

criblée de balles.

Boutons noirs

et trous sourds

de toutes le tailles.

En diagonale, une cicatrice

marque un vieux

litige avec le monde.

La tête de ma mère, il est

étrange et barge cet arbre

qui pond chaque nuit

un mec pour pisser

sur sa tranche.

Tu vois

le paquet d’Camel,

y a quoi

sur le paquet

d’Camel,

y a un chameau,

et si tu vois bien entre

les deux pattes derrière

tu verras un type en miniature

qui pisse. Et c’est pareil.

Toutes les nuits. Toutes

les nuits, je le vois, ça

me réveille putain

et je dors pas loin. Et

j’arrive pas à piger.

Ma moelle atteint

les quatre vingt piges

dans un corps de trente cinq.

Et le ciel tout entier

s’engage à gauche

puis s’efface.

Je suis être sans ciel.

Sur les murs, des fenêtres

suspendues

frôlent le chaos.

Deux pigeons

au ras de nos têtes

s’envolent ta ta

tel un éclat de rire

affolés par une pluie

de miettes

puis se posent sur la route.

Sur l’un d’eux, parmi

les plumes blanches

jaillit une queue à

dominance de gris.

C’est une femelle qu’ils

viennent de rap

porter ici

pour sur

peupler les toits

de merde, de

résonances et de

funèbres arômes

dit H.

Fausse vie, roucoule !

Et la vie fausse

rou

coule

entre les dents et sous

les dents

mauves de barbus

qui, semble-t-il, assiègent

le rêve de toutes parts.

Je les ai vus

une fois encore

je monte je monte

les escaliers, la porte ouverte

entr’ouverte en pleine nuit.

Et l’étincelle.

Ils chauffent les lames.

Le tintement et le marteau

le chalumeau et les épées

et construisent le plan d’une ville

sainte

en fonction des projectiles.

La lumière maintenant

est une écume verte

le vent une toupie

qui décrit

des tournoiements de poussières

et d’idées durcies

par dessiccation

l’immeuble brandit

une pancarte

sur le toit

parmi les miroirs

paraboliques des antennes

où convergent

les fantasmes et les nerfs

splanchniques

la rue s’évase

dans une démarche de femme.

Le tout secoué par un

crachat de H.

au milieu d’une phrase.

H.

by Mohammed El Amraoui

It’s strange, that tree

over there

what’s it called,

says H.

If you open the window

at five

in the morning, you’ll see

the type

that drives around,

changing his oil,

then does the rounds again

as if looking for

something 

then parks

his ass on the bench

nearby. And it’s always 

like that. 

Grin gaping

from fear,

a deflective smile. 

Elderly face

at the height of nonsense:

deep

sameness, dark

brown, a surface

riddled with bullets. 

Blackheads

and pockmarks

of all sizes.

Diagonal, a scar

marks an old

dispute with the world.

My mother’s face, crazy
and strange, that tree

which each night

conjures a guy to piss

on its roots. 

You see

that pack of Camels,

what’s on

the pack
of Camels,

it’s a camel

and if you look close between

the two hind legs

you’ll see a little guy

pissing. And it’s the same.

Every night, every 

night, I see it, 

it fucking wakes me up

and I can’t go back to sleep. 
And I just don’t get it.

My spine feels eighty

in a body of thirty five.

And the whole entire sky

begins to the left

then erases itself.

I am skyless.

On the walls, some windows

dangling

graze the chaos.

Two pigeons

at eye level

take off, ta ta

like shards of laughter

terrified by a rain

of crumbs

alight on the road.

On one of them, among

white plumes

bursts a line

of stark gray. 

It’s a female that they

have just brought here

to overcrowd the roofs

with shit, with

echoes, with

deathly smells

says H.

False life, coo!

And false life

coo

coos

between teeth and on

the purple

teeth of bearded men

who, it seems, besiege

the corners of every dream.

I saw them 

once, again

I climbed, I climbed

the stairs, the open door

ajar at night.

And the spark.

They heat the blades.

Clank and hammer

blowtorch and swords

and they construct a plan for a holy town

in the path of projectiles. 

The light now

is a green foam;

the wind, a spinning top

that describes

twirling specks of dust

and thoughts hardened

by desiccation

the building brandishing

a sign

on the roof

among the mirrors,
the parabolas of antennas
where spirits 
and splanchic nerves

converge

the road widens

in a woman’s steps.

All this is shaken
by H. spitting

in the middle of a sentence.

 

translated from French by Sam Ross
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J.

by Mohammed El Amraoui

Midi

ronfle dans

un drap de plomb.

L’air

est marqué par

une fièvre humide

et je ne sais

pourquoi

je pense

tout à coup

à ces toux insolites

que crachait

ma grand-mère

sur son lit d’adieu.

Les mégots s’arrangent

pour donner a la pièce

la forme d’un échiquier

sans rois

où eux

jouent le rôle

de quelques pions

suicidaires.

Je retrouve sur mon visage

les questions morbides

d’hier soir.

La belle-mère de J.

dort sur le canapé

avec ses boucles d’oreilles

en plastique rouge-orange

et sa divinité africaine

dans le cou.

Sa main caresse l’absence

de son vieux copain

qui l’a abandonnée

pour une jeune fille savoyarde

rencontrée sur la place

d’Italie à Paris

et baisée dans un

stage de sculpture

dans la banlieue de Marseille.

 

Suivant son rituel

dès le réveil,

elle chante un bout du

requiem de Fauré

puis raconte son rêve

inachevé

ou son vieux copain

lui serre la poitrine

amoureusement, puis le cou…

L’agacement

règne sur les murs.

 

En bas

la rue est comme

sur la photo que j’ai déposée

sur le radiateur :

une vielle se tord le corps

pour regarder le ciel

tandis qu’un chat noir

se prend pour une voiture

au milieu de la route.

Un homme jette des

prospectus du quatrième étage

pour garnir la pelouse.

 

Et moi

je continue a chercher

des phrases

dans l’angle du nuage

suspendu sur l’immeuble.

Je ferme la fenêtre

comme je ferme un livre

fantastique

afin d’empêcher un réel

sordide

de pénétrer ma tête

faite de mensonges

d’ombres et de voyelles.

 

Je descends les escaliers

enveloppés d’une puanteur

massive

et je retrouve les phrases

dans un arrêt de bus

face aux arbres malades

qui attendent d’être décimés.

 

Un phrase dit a l’autre

que l’arbre

est une métaphore

qui attend d’être décimée.

Et nous

face à elle

nous respirons le huiles

de quelques feuilles écrasées

par des passants désolés

et nous prétendons

détenir une colère

qui exprime leur destinée !

Le hasard saute

sur mon épaule

et je profère sans le connaître

un mot de plus

pour attirer l’attention

sur mes dents

 

dans le présent de la rue.

Amour, esprit, insulte ou

investigation

je ne sais plus, mais

les phrases commencent

à aborder ma névrose

complexe avec une douceur

Presque louche.

 

La belle-mère de J. ouvre

la fenêtre et jette mon réveil

nerveusement.

Je monte dans le bus

laissant alors les phrases

contempler leur sens.

Je pourrais imaginer

que les chiffres

éparpillés sur le trottoir vont

annoncer mon prochain poème.

 

 

J.

by Mohammed El Amraoui

Noon snores under

a leaden sheet. Air is touched

with a humid fever,

and I don’t know why

I think suddenly

of those bizarre coughs

spat by my grandmother

on her deathbed.

Cigarette butts arranged

to give the room

the appearance of a chessboard

without a king,

where they play the role

of suicidal pawns.

On my face I find

morbid questions

from last night.

J’s stepmother

slept under the canopy

wearing red-orange

plastic earrings

and her African divinity

around her neck.

Her hand feels the absence

of an old boyfriend

who abandoned her

for a girl from Savoie

he met in the Place d’Italie

in Paris, and fucked

in a sculpture studio

on the outskirts of Marseilles.

Following her waking

ritual, she sings a bit of

the Fauré requiem, describes

her unfinished dream

where her old boyfriend

squeezes her breasts

lovingly, then her neck.

Unease reigns

over the walls.

 

Downstairs

the street is like the photo

I left on the radiator:

an old woman twisting her body

to look at the sky

while a black cat

thinks he’s a car

in the middle of the road.

A man throws leaflets

from the fourth floor

to decorate the lawn.

And me—

I continue to look

for sentences in the corners

of clouds hanging from the building.

I close the window the way

I close a book of fantasy,

so as to prevent the sordid

reality from penetrating

my head of lies, shadows,

and vowels.

 

I descend the stairs

enveloped in a massive stench

and I find the sentences

in a bus stop opposite sick trees

waiting to be chopped down.

 

One sentence says to the other

that the tree is a metaphor

waiting to be killed.

And we confront it, we breathe oils

of leaves crushed by sorry passersby

and we claim to have an anger

expressing their destiny.

Chance leaps on my shoulder

and I utter without knowing it

another word drawing attention

to my teeth in the street’s present.

Love, mind, insults or investigation—

I don’t know,

but the sentences begin to address

my neurosis with a sweetness

that is almost suspicious.

 

J’s stepmother opens the window

and nervously tosses out my alarm.

I step on the bus, leaving the sentences

to contemplate their meaning.

I can imagine the scattering

numbers on the sidewalk

announcing my next poem.

 

translated from French by Sam Ross
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