Elles Cherchent

by Sarah Kernya

18 octobre 2003

 

Dans l’autobus, au large du cimetière Montparnasse  – elle n’y repose pas- 

fragment en arrière plan: Le Cavalier King Charles

 

       “Au premier novembre, le matin ensoleillé (très)

       Sur la tombe de Baudelaire: mémoire visuelle

       pour y retourner. A deux pas de mes jambes. Aller

      retour.

      Je parle, dit ce que je cherche. Elles cherchent”

 

Mes amours naissent en été,

et se brisent l’hiver suivant.

 

30 octobre 1983

 

J’ai beau écrire mon journal,

je parle toujours dans ma tête.

 

A bout de bras, les sacs avec le verre

pour le container, avec le linge sale

pour le lavomatic, avec les courses

au retour du supermarché.

Je me fais l’effet d’être une bête de somme.

                                 

                                       Enterrée dans le caveau familial,

                                       à la place de sa mère,

 

                                       dans la tombe du père.

 

1er novembre 1983

 

Quand j’étais petite, j’étais beaucoup

plus dans le monde des humains.

Maintenant, plus je grandis,

plus je rentre dans le monde des livres.

Quand je ressusciterai, je serai livre.

 

 

31 octobre 2003

 

Antonine Maillet

Marguerite Duras

Pascale Roze

Elsa Triolet

Paule Constant

Anna Langfus

Simone de Beauvoir

 

Sept pour cent des prix Goncourt sont des femmes.

 

Encore combien à attendre avant

de replonger dans l’eau?

 

Et soudain, dimanche soir, l’envie irrépressible

d’écouter le Requiem de Mozart.

 

                                      Elle disait parfois de ses yeux

                                      des “yeux de chat”

                                      et aussi que sa figure était affreuse

 

 

1er novembre 2003

 

Un clair et grand soleil dehors.

Et le gazouillis des oiseaux.

Presque un temps de printemps.

 

Quand il a pris ma main

la première fois,  face à l’île Maire

au bout du monde.

 

La pacotille des colliers, des bracelets

aux couleurs qui brillaient.

 

L’encre turquoise du feutre fin sur

les cartes qu’elle m’envoyait.

 

Ses ongles noirs de tabac.

 

De longs silences au téléphone.

 

Tristesse de Pâques

Tristesse de Noël

Tristesse du 15 août

Tristesse du 11 novembre

Tristesse des Cendres

Tristesse de la Pentecôte

 

                                A Fontenay-sous-bois, un soir

                                on écoute un disque de tcha-tcha-tcha,

                                on mange du Boursin au poivre

                               

                                et on rit

 

 

11 décembre 1983

 

Huguette est la première à avoir aimé

mon histoire, au point de me prendre

dans ses bras et de me ronger de baisers.

 

Quand j’étais enfant, je me demandais

si, en mettant trois personnes au même

endroit; et si ces trois personnes faisaient

dans la journée exactement les mêmes

activités au même moment, si ces trois

personnes donc, feraient dans la nuit

les mêmes rêves.

 

Ma clé s’est cassée à l’intérieur de la serrure.

 

Tristesse de septembre

Tristesse de mai

Tristesse du nouvel-an

Tristesse de février

Tristesse de l’hiver

Tristesse du printemps

 

                      Elle avait écrit un poème sur moi.

                      Elle m’avait offert un canevas.

                      Et plus tard, une trousse de toilette.

                      Et “Lullaby” de Le Clézio.

 

                             ( – Retrouver le passage

                             où l’on parle de livres brûlés

                             et des mots qui retournent

                             là d’où ils viennent – )

 

 

J’écrivais dans le noir,

et les lignes tordues se superposaient.

Comme le journal commencé

-21 octobre 1983

 

il y a vingt ans maintenant

jamais interrompu depuis.

A une période de l’adolescence,

je ne notais plus les dates.

 

 

Pourquoi “Le Cavalier King Charles”

s’est-il trouvé retranché de mon rayon

poésie pour être posé sur l’étagère du

salon, le jour de sa mort?

 

 

22 octobre 2003

 

A la lumière du couchant, soudain,

devant nos yeux,

le Mont-Blanc et la chaîne des Alpes,

se découpant, nets,

comme s’ils étaient tout près.

 

Il y a les ports et les villes

traversées par un fleuve.

Je préfère, et de loin, pour toujours,

la première catégorie.

 

                                   Et plus tard encore, 

                                   “De Natura Rerum”de Lucrèce.

 

11 septembre 2003

 

Il y a trente ans, j’avais neuf mois

quand les militaires ont fait

leur coup d’état au Chili.

 

Trente ans que Allende s’est tiré

une balle dans la tête,

plutôt que de se rendre.

 

Hier soir, il y avait une araignée

dans mon lit. Je l’ai écrasée avec

le livre que je lisais. Je me suis

endormie très tard, tout comme

la nuit d’avant.

 

Des gens mouraient dans des accidents

de voiture, et M. était enceinte.

 

Lui, qui fut le seul à consoler mes pleurs.

 

J’ai trouvé un raccourci pour rejoindre

les rues commerçantes.

 

“Les idées viennent en marchant.”

 

                           Sur une feuille froissée, non datée,

                           au bas d’un poème  -Signes-

                           de Reverdy, recopié à la machine:

 

                          “Ca pourrait aller, Sarah,

                          pour une émission qui parle de Pâques (?)

                          ou pour s’endormir

                          Merci pour ta lettre et les scoubidous.”

 

 

1er novembre 1983

 

On n’est pourtant pas le printemps?

-Si, dans les livres. Donc pour moi aussi.

J’ai toujours l’impression qu’on est la journée

du bleu ou du printemps.

Serait-ce parce que je lis?

 

J’ai sauté dans le train, ou plutôt

il  m’a poussée, et puis le train a démarré.

Très vite, nous avons vu la pluie.

Un asiatique m’a demandé: “C’est l’automne?”

Je lui ai répondu: “Demain”.

 

Je lavais mon linge dans l’évier, l’eau débordait

et inondait la cuisine.

 

Je fais une chose pendant que j’y pense,

quitte à ce que tout soit dans le désordre.

 

Quitte à ce qu’il faille tout recommencer après.

 

Hier, j’ai raté ma soirée sur toute la ligne.

 

 

                      A Granville, un été, on cueille les fraises

                      des bois du jardin. Un soir, ma main

                      s’accroche dans une toile d’araignée

                      au bas de l’escalier.

 

                       Huguette console mes pleurs.

 

16 octobre 2003

 

Pendant six stations ligne 7, avec Godard.

Godard descend à Jussieu.

L’image de Godard sortant du métro,

poussant les gens -”Pardon”-

 

Et les gens qui le laissent passer,

comme un simple passager,

parce que la plupart, à l’exception

de deux personnes, ne l’ont pas reconnu.

 

*
                                               

Le bruit de la fourchette qui tombe

au sol me casse la tête.

 

J’aimerais être dans un restaurant chinois

à Belleville avec B. et parler en fumant

des Marlboro light.

 

J’ai en ce moment la peur panique de voir

mes manuscrits en proie aux flammes.

 

“Pourquoi tu voudrais reprendre son nom?”,

m’a dit L., à qui je soumettais l’idée qui m’a

traversée un instant, le jour de sa mort,

de reprendre MON nom.

 

              

                    4 janvier 1987

 

                    Je me rappelle le rire d’Huguette souriant de

                    toutes ses dents jaunes, stupéfaite que je

n’aie pas mes règles.

 

 

11 décembre 2003

 

L’amie d’enfance musicienne, rencontrée

il y a vingt ans maintenant.

On dessinait. On répétait des pièces.

 

On enregistrait des histoires sur cassettes,

avec guitare et bruitages. On jouait au

tennis sur les terrains vagues de la Z.A.C,

à Aix-en-Provence.

 

 

Sunday, Suburbs, Solitude

 

Autour du lac

et sous les arbres

 

des silhouettes

avec leur parapluie.

 

Lui, qui me laissait écouter la radio

reliée à l’oreillette de mon walkman,

quand nous sortions marcher.

 

Quelqu’un fait ses gammes après le repas.

 

 

15 janvier 1984

 

Maman ne m’a pas trop grondée, s’apercevant

il y a de cela 20 secondes

que j’écrivais derrière la porte de la cuisine ouverte pour y récolter de la lumière.

                                       

                                         Et deux pastels du 10.10.93


 

1er février 2004

 

Je me suis ébouillanté le pied

hier. J’ai des aphtes.

Toujours mal où je suis tombée

le jour de la mort d’Huguette.

 

Parfois, je me dis “Révolution!”

Parfois, je me dis “Vivement le printemps!”

 

Et puis, je prends mon manteau,

et je vais au ciné.

 

Les livres sur les étagères de son

“appartement anglais”.

 

Les tableaux, les chats.

Ses accoutrements, ses jupes bariolées.

 

Son fard à paupières, son rouge à lèvres.

 

Quand il m’a reconduite, un jour de neige

à la gare.

 

 

                         Dans “Tout va bien”,

                         dans le rôle de Georgette,

                         qui occupe une usine et

                         téléphone à son mari

                         pour le prévenir qu’elle ne rentrera pas,

                    

                         j’avais trouvé qu’elle jouait bien.

 

 

 

Merci chère Sarah pour ta bonne carte. Si

j’avais ton N° je t’aurais appelée. Moi

aussi j’étais très heureuse de ce déjeuner.

Où irais-tu à l’étranger?..

Mon appartement est toujours bien doux et

bien “vert”. Les bouleaux sont superbes. Je

sors beaucoup et vois beaucoup d’amis,

écris peu. Nouvelle machine à écrire,

pourtant. On me propose une exposition de

mes pastels, mais je ne sais si j’aurais le

temps…Voudrais bien.

Encore au plaisir de te lire. Et je

t’embrasse

fort.

Huguette. 

 

 

Les heures qu’elle passait dans les cafés.

 

Sa petite silhouette ronde.

 

La montagne Sainte-Victoire qu’elle disait “vivante”.

 

Cette phrase que j’avais écrite, et qu’elle trouvait belle.

 

 

 

                      J’avais visité les studios de

                      France-Culture avec elle.

 

                     On avait parlé de Marina Tsvétaéva.

                     Puis, de Koltès, qu’elle ne connaissait pas.

 

 

 

Elle m’avait amenée à l’Archevêché, voir

un

opéra de Lulli.

Elle laissait traîner des manuscrits dans

notre salon, l’été, que je lisais sur des

feuilles très fines tapées à la machine et

raturées.

 

Elle dormait en mettant une planche de

bois sous son matelas.

Elle voulait toujours démêler mes cheveux.

Elle m’apprenait à me tenir à table.

 

 

 

 

 

Un jour, elle riait seule dans la cuisine.

 

Jan 97

 

Merci pour tes voeux.

Sarah. Tu trouveras mon livre,

à Marseille ou

Aix, ainsi qu’une anthologie qui précède. Je lirai

attentivement ce que tu m’enverras.

 

 

 

 

Trois minutes de silence ce matin pour

les victimes des attentats.

 

Lui, qui me surnommait “la gauchiste”.

 

Le vide qu’elle avait fait autour d’elle.

 

L’euphorie des nuits blanches qu’elle “adorait”.

 

Sa voix, sourde et pincée.

 

 

- Mes textes que je ne

lui ai jamais envoyés -

 

 

 

                                        Comme si l’argent, comme si

                                        la maladie, n’existaient pas,

                                        seule et pauvre

 

                                        elle écrivait.

    La dernière fois que j’ai parlé à ma tante

Huguette c’était au téléphone, il y a trois

ou quatre ans, je ne sais plus, il faudra

que je retrouve.

 

Elle aurait eu 72 ans en novembre. Elle

aura passé 42 années de sa vie sans me

connaître, contre 30 en me connaissant.

 

Je ne lui dirai jamais que “Le Cavalier

King Charles” fut un livre important.

 

 

                               Ses derniers mots étaient:

                                “Tu n’es qu’une petite salope.”

 

 

*

 

 

 

Je perds du temps. Beaucoup.

J’attends. Beaucoup.

 

Je suis abonnée aux histoires à distance.

Je suis celle qui reste.

Je suis la femme du port.

 

Soleil-pluie-soleil.

 

Un sac qui s’ouvre et se vide comme des entrailles.

 

Il était six heures du soir,

les grilles du parc étaient fermées

 

8 août 2003

 

En voiture aux abords de La Cavalerie,

avec ma mère, trente ans après.

 

Dans le retroviseur, les embouteillages,

et le Larzac desséché par la canicule.

 

A travers la vitre, je filme le décor d’un rassemblement mythique,

dont je n’ai pas de mémoire propre.

                                           

                                     *

18 octobre 2004

 

Le cimetière de Bagneux.

Les peupliers jaunes et scintillants.

 

Des juifs, rassemblés en cercle,

secouent leurs mains mouillées.

 

Avenue des Noyers Noirs.

Carré 71.

 

Les tombes en silence.

Le soleil m’est favorable.

 

On regardait Mars et les étoiles dans le ciel.

 

On a crevé cet été, les artistes,

les vieux, les actrices, les arbres.

 

 

 

BESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswy

Elle fut enterrée par une belle journée.

They Are Searching

by Sarah Kernya

October 18, 2003

 

On the bus, beyond Montparnasse cemetery,

where she has not been laid to rest,

a fragment in the background: Le Cavalier King Charles

           

            “November 1st, the radiant morning (incredibly so)

            On Baudelaire’s tomb: a visual memory to return to.

            With just two steps. There and back.

             I speak, say what I am looking for. They are searching.”   

 

My loves are born in summer,

and break apart the following winter.

 

October 30, 1983

 

It’s no good writing in my journal

I keep talking incessantly,

regardless, in my head    

 

At arm’s length, bags containing

glass, dirty laundry for the

Laundromat:  errands,

upon returning from the market.

In effect, I have become a beast of burden.

 

            Buried in the family vault,

            in place of her mother,

            in the grave of her father.

 

November 1st, 1983

 

When I was young, I lived more

in the world of humans. Now,

the older I get, I return more

to the world of books.

Once resuscitated, I will be a book.

 

October 31, 2003

 

Antonine Maillet

Marguerite Duras

Pascale Roze

Elsa Triolet

Paule Constant

Anna Langfus

Simone de Beauvoir

 

Seven percent of the Goncourt prizewinners are women.

 

How long to wait before

diving again into the sea?

 

            And suddenly, Sunday night, irrepressible desire

            to listen to Mozart’s Requiem.

           

            She said sometimes her eyes

            were the eyes of a cat

            And also that her figure was frightful

 

November 1st, 2003  

 

 

A clear and large sun outside.

And the chirping of birds.

Almost Spring weather.

 

When he took my hand

the first time, before l’île Maire

on the other side of the world.

 

The costume jewelry,

cheap bracelets of brilliant hue.

 

Turquoise ink of a felt tip pen

on postcards she sent me.

 

Her nails stained black from tobacco.

 

Long silences on the phone.

 

Sadness of Easter                

Sadness of Christmas

Sadness of August 15th

Sadness of November 11th

Sadness of Ash Wednesday

Sadness of Pentecost

 

            One night, at Fontenay-sous-bois,

            we listen to a cha-cha album,

            we eat peppered Boursin

 

            and we laugh

 

December 11, 1983

 

Huguette is the first to have loved

my story to the point of taking me

in her arms and smothering me with kisses.

 

When I was a child, I asked myself

if one put three people together

in the same place; and if that day

those three people did exactly the same

activities at the same time, if those three

people would, therefore, dream that night

the same dreams.

 

My key remained broken, inside the lock. 

 

            Sadness of September 

            Sadness of May

            Sadness of New Year’s

            Sadness of February

            Sadness of Winter

            Sadness of Spring

 

            She had written a poem about me.

            She had offered me a canvas.

            And later, a bag of toiletries.

            and “Lullaby” by Le Clézio.

 

            (- Rediscovering the passage

            that speaks of burned books

            and of words that return

   from whence they came -)

 

I wrote in darkness,

and the twisted lines

superimposed themselves.

Like the journal beginning   

- on  October 21, 1983

 

twenty years ago now,

uninterrupted. At one point

in adolescence, I stopped

writing down the dates.

 

Why was “Le Cavalier King Charles”’

removed from my poetry shelf, and placed

on the living room shelf, on the day of her death?   

 

October 22, 2003

 

In the light of the setting sun, suddenly

right in front of our eyes, Mont Blanc

and the mountain range of the Alps

seem to eclipse each other.

 

There are port cities and cities

crossed by a river. 

I prefer, by far, and forever,

the former.

 

            And again later,

            “De Natura Rerum” by Lucrèce.

 

September 11, 2003

 

Thirty years ago, I was nine months old

when the militants performed

their coup d’état in Chili.

 

Thirty years since Allende shot

a bullet into his head,

rather than surrendering.

 

Last night, there was a spider

in my bed. I crushed it with

the book I was reading. I fell asleep

very late, just like the night before.

 

People die in car accidents.

And M. was pregnant.

 

He, the only one who comforted my tears. 

 

I found a short cut connecting

the shopping streets.

 

“All truly great thoughts are conceived by walking.” 

           

            On a crumpled paper, undated

            underneath a poem – Signs – by Reverdy,

            copied on the typewriter:

           “It might work, Sarah,

            for a broadcast about Easter

            or to fall asleep to.

            Thank you for your letter and Scooby Doos.”

 

November 1, 1983

 

It’s not Spring, though, is it?

Wait, yes – in books. Therefore, for me too.

I always had the feeling that we are  

in the time of blue, or Spring.

Is that because I read?

 

I jumped on the train, or rather

he pushed me, and then the train started.

Very quickly, we saw the rain.

An Asian asked me: “Is it Fall?”  

I replied: “Tomorrow.”

 

I was washing my laundry in the sink,

the water over-flowing, flooding the kitchen.

 

I do only one thing while I’m thinking,

even if it means leaving everything in disorder.

 

Even if it means having to start all over again afterwards.

 

Yesterday, I totally made a mess of my entire evening.

 

            In Granville, one summer, we pick strawberries

            from the garden. One night, my hand catches

            a spider web at the bottom of the stairway.

 

Huguette comforts me, dried my tears.

 

October 16, 2003

 

Passing six stations on Line #7 with Godard

Godard gets off at Jussieu.

The image of Godard getting off the subway,

pushing past people – “Excuse me” –

 

And the people that let him by,

like a simple passenger,

because for the most part, with the exception of

two people, no one recognized him.

 

*

 

The sound of the fork falling

to the ground drives me crazy.

 

I would like to be in a Chinese restaurant

in Belleville with B. and talking while smoking

Marlboro Lights.

 

I panicked at the following

vision:  my manuscript

going up in flames.

 

“Why would you want to take her name?”

L. asked me, to whom I submitted the idea that

had suddenly occurred to me, the day she died,

to take back MY name. 

 

January 4, 1987

 

I recall Huguette’s laughter, smiling

with all her yellow teeth, incredulous

that I don’t have periods yet.

 

December 11, 2003

 

My childhood musician friend,

whom I first met twenty years ago now.

We drew together. We performed plays.

 

We recorded stories on cassette tapes, with

guitar and sound effects. We played tennis

on the undulating terrains of the Z.A.C.

in Aix-en-Provence.

 

Sundays, Suburbs, Solitude

 

Around the lake

and under the trees

 

Silhouettes

with their umbrella.

 

Him, who let me listen to the radio

connected to the earpiece of my Walkman,

when we were out walking.

 

Someone practices their scales after dinner.

 

January 15, 1984

 

Mummy didn’t scold me overmuch when she noticed,

20 seconds later, I was writing behind the kitchen door

left open to let in light.

 

 

            And two pastels from 10/10/93.

 

February 1, 2004

 

I scalded my foot yesterday.

I have canker sores.

Still sore from having fallen

the day that Huguette died.

 

Sometimes, I say to myself “Revolution!”

Sometimes, I say to myself “I can’t wait for Spring!”

 

And then, I take my coat,

and I go to the movies.

 

The books on the shelves

of her “English apartment.”

 

The paintings, the cats.

Her paraphernalia, her multi-colored skirts.

 

Her eye shadow, her lipstick.

 

When he drove me back to the station,

one snowy day.

 

            In the movie “Tout va bien” (“Everything’s fine”),

            Georgette works in a factory and calls her husband

            to warn him that she wouldn’t be coming home.

            I thought she played the part well.  

 

Thank you dear Sarah for your kind postcard.

If I had your number, I would have called you.

I really enjoyed our lunch too.

Where will you go abroad?

My apartment is still very sweet and “green.”

The birch trees are doing fantastic. I go out frequently

and see lots of friends, write little.

New typewriter though, however. I have been offered

an exposition of my pastels, but I don’t know if I’ll have the time…

I’d like to. I’d love to hear from you again. Big hugs and kisses.

 

 

The hours that she spent in cafés.

 

Her little round silhouette.

 

Mount Sainte-Victoire, she called “alive.”

 

This sentence that I wrote, she found pretty.

           

            I had visited the studios

           of France: Culture with her.

           We spoke of Marina Tsvetaeva.

           Then of Koltes, whom she didn’t know.

 

She had taken me to the Théâtre de l’Archevêché,

to see an opera by Lulli.

She let her manuscripts lie around our living room,

typed out on thin pages and crossed-out

that I would read in summer.

 

She slept with a wooden plank under her mattress.

She always wanted to muss my hair.

She taught me table manners.

 

One day, she laughed alone in the kitchen.

 

Jan 97

 

Sarah, thank you for your good wishes.

You can find my book either in Marseille or Aix,

as well as my anthology that preceded it.

I will read carefully what you send me.

 

 

Three minutes of silence this morning

for the victims of the attacks.

 

He, who nicknamed me “Lefty.”

 

The void that she had made around herself.

 

The sleepless nights (nuit blanche)

she claimed to “adore.”

 

Her voice, muted and strained.

 

   -  My texts, that I never sent her  –

 

As though money, as though

Sickness didn’t exist

alone and poor

she wrote to me.

 

The last time I talked to my aunt

Huguette it was by phone, three

or four years ago, I’m no longer sure.

I must find a way to return to her. 

 

She would have been 72 this November.

She would have known me for 30 years;

I had been a stranger to her for 42.

 

I will never be able to tell her that “Le Cavalier King Charles” is an important book to me.

 

Her last words were:

“You’re nothing but a little bitch.” 

 

*

 

I’m wasting time. Lots.

I’m waiting. Lots.

 

I subscribe to stories from a distance.

I am the one that’s left.

I am the woman of the port

 

Sun-rain-sun.

 

A bag that opens and empties like entrails.

 

It was 6 p.m.

The park’s gates were closed.

 

August 8, 2003

 

Driving along the outskirts of La Cavalerie,

with my mother, thirty years later.

 

In the rear-view-mirror, stopped traffic

and the limestone plateau of Larzac

dried out from the heat wave.

 

Through the car window, I film the scenery

of this mythical mirage, of which I now

have no actual memory.

 

October 18, 2004

 

The Bagneux cemetery.

The sparkling, yellow poplars dazzle the eye.

 

Several jews gather in a circle,

shaking their wet hands.

 

Avenue des Noyers Noirs.

Carré 71.

 

The tombs in silence.

I benefit from the sun.

 

We gaze at Mars and the stars in the sky.

 

We died that summer, the artists,

the old people, the actresses, the trees.

 

She was buried on a beautiful day.

BESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswyBESbswy

translated from French by Virginia Konchan
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