Poème
by Lucie ThéséeLes bennes de ma tête bâillant
Partie dans un grand air bleu me revoilà pour la minute fugitive
un tronçon de tujau d’égout
béant à ciel ouvert,
tout y passé, ma vue parallèle de tuyao
a tout happé.
Qui donte maintenant de mon éternité?
moi dont l’oeil pré-natal assiste
au bain eternal des frondaisons compactes dans le fleuve houleux
dans le fleuve fecund de vies féroces, de vies colossales
dans le fleuve des crocodiles et des hippopotames.
Qui donte de mon éternité moi dont le corps
S’est recrocquevillé quand les clous cupids s’enfonçaient
cyniqeument, sinistrement dans ma chair pré-natal de déracinée
et la marquaient indélébilement, ma chair vierge
de ‘makanguia’ riche des bruits soyeux de jadis et des
senieurs retrospectives de la forét équinoxiale
mon bien primitif,
ma chair rouge-noir, vierge encore de tout nombre.
Apaise-toi ma fronde de rose dynamitée, vengeance est faite:
Mon éternité est.
Pourquoi ne m’y prélasserai-je pas? Je vous le demande, moi dont le coeur
de filao gonflé de sève d’impossible en musant dans ses aigrettes vertes
fait chanter le vent
moi dont les antennes de filao jaillissent à l’assaut d’un ciel de frissons.
Qui a voulu me voler mon éternité
O Mort, la vie ne ricane pas, elle rit et elle aime
elle aime en riant et c’est elle qui tue en riant.
Qui tue tous sec esciocs ai coer vague et flasque
O toi qui n’as même pas pu être un miserable.
Qui dit encore que le temps ne m’appartient pas?
moi qui m’étrille à meme l’échine du soleil
et l’embrasse et le baise de ma langue de flame.
L’essence souveraine de mon étrave voyuant la rage aux soutes
sur l’écume de l’injuste et du crime
allume les 89, les 48, les 45
embrasant l’horizon à terme de fraternité et d’amour.
Et maintenant pouffez de vos joues jouflues de graisse
blêmes indigents de la nue
Je suis jeysers, cratère, ventre de la terre au fond de la terre
Je lance la flame, attrapez-la au vol de mes rires, au vol de mes douleurs;
J’injecte la chanson, je perpétue frissons et frémissements fleurs d’éternel.
Eternité, je suis Liberté.
Poem
by Lucie ThéséeMy head — a set of trash cans, open — gawps:
I am a drain pipe
Gaping wide,
And the blue day funnels through me.
I suck down everything. All of it.
Who doubts my eternity now?
A river, prodigal, roiled with ferocious lives—
You crocodiles, hippopotami — all of it, I suck it down.
Who doubts my eternity now?
My unborn eye.
My coiled and unborn flesh, fetal, without race, without color,
Unborn, when Cupid’s little stinging dart
Cut in. The little cynic! My virgin flesh,
Unborn, was marked: dark. A makanguia,
Dark with the silky noises of a past
In the darker forests, rich
In a primitive unborn wealth.
Unnumbered. Unnamed. Unborn flesh — red-black:
A sling of plucked rose petals, dying. Vengeance
Was his: my eternity started.
Why not strut in it?
Why not? I’m asking you. Why not me?
Me, my heart-sap thick as a filao-tree’s,
Thick with the sap of the impossible
Under green fronds singing in wind.
Me, who skin spikes out filao-tree needles, shivering.
Who said eternity’s not mine?
My life doesn’t giggle: my life is she
Who kills while laughing.
You, who can’t even muster your misery,
You doubt eternity can be mine.
I’ll comb my hair with the backbone of the sun.
I’ll kiss fire, I’ll sail to those ships’ holds,
Those crimes on the foam of the waves,
Those crimes between the sea’s two horizons:
Liberté, égalité.
Fat cheeked little beggar in the clouds,
Pale Cupid: I am geysers, craters, belly-of-the-earth.
I throw flame in the flight of my laughter,
I take in everything, drink down song.
I’ll shiver and quake with endless flowers blooming.
Eternity, anyway? I’m Liberté.
translated from French by Robert Archambeau & Jean-Luc Garneau