J.

by Mohammed El Amraoui

Midi

ronfle dans

un drap de plomb.

L’air

est marqué par

une fièvre humide

et je ne sais

pourquoi

je pense

tout à coup

à ces toux insolites

que crachait

ma grand-mère

sur son lit d’adieu.

Les mégots s’arrangent

pour donner a la pièce

la forme d’un échiquier

sans rois

où eux

jouent le rôle

de quelques pions

suicidaires.

Je retrouve sur mon visage

les questions morbides

d’hier soir.

La belle-mère de J.

dort sur le canapé

avec ses boucles d’oreilles

en plastique rouge-orange

et sa divinité africaine

dans le cou.

Sa main caresse l’absence

de son vieux copain

qui l’a abandonnée

pour une jeune fille savoyarde

rencontrée sur la place

d’Italie à Paris

et baisée dans un

stage de sculpture

dans la banlieue de Marseille.

 

Suivant son rituel

dès le réveil,

elle chante un bout du

requiem de Fauré

puis raconte son rêve

inachevé

ou son vieux copain

lui serre la poitrine

amoureusement, puis le cou…

L’agacement

règne sur les murs.

 

En bas

la rue est comme

sur la photo que j’ai déposée

sur le radiateur :

une vielle se tord le corps

pour regarder le ciel

tandis qu’un chat noir

se prend pour une voiture

au milieu de la route.

Un homme jette des

prospectus du quatrième étage

pour garnir la pelouse.

 

Et moi

je continue a chercher

des phrases

dans l’angle du nuage

suspendu sur l’immeuble.

Je ferme la fenêtre

comme je ferme un livre

fantastique

afin d’empêcher un réel

sordide

de pénétrer ma tête

faite de mensonges

d’ombres et de voyelles.

 

Je descends les escaliers

enveloppés d’une puanteur

massive

et je retrouve les phrases

dans un arrêt de bus

face aux arbres malades

qui attendent d’être décimés.

 

Un phrase dit a l’autre

que l’arbre

est une métaphore

qui attend d’être décimée.

Et nous

face à elle

nous respirons le huiles

de quelques feuilles écrasées

par des passants désolés

et nous prétendons

détenir une colère

qui exprime leur destinée !

Le hasard saute

sur mon épaule

et je profère sans le connaître

un mot de plus

pour attirer l’attention

sur mes dents

 

dans le présent de la rue.

Amour, esprit, insulte ou

investigation

je ne sais plus, mais

les phrases commencent

à aborder ma névrose

complexe avec une douceur

Presque louche.

 

La belle-mère de J. ouvre

la fenêtre et jette mon réveil

nerveusement.

Je monte dans le bus

laissant alors les phrases

contempler leur sens.

Je pourrais imaginer

que les chiffres

éparpillés sur le trottoir vont

annoncer mon prochain poème.

 

 

J.

by Mohammed El Amraoui

Noon snores under

a leaden sheet. Air is touched

with a humid fever,

and I don’t know why

I think suddenly

of those bizarre coughs

spat by my grandmother

on her deathbed.

Cigarette butts arranged

to give the room

the appearance of a chessboard

without a king,

where they play the role

of suicidal pawns.

On my face I find

morbid questions

from last night.

J’s stepmother

slept under the canopy

wearing red-orange

plastic earrings

and her African divinity

around her neck.

Her hand feels the absence

of an old boyfriend

who abandoned her

for a girl from Savoie

he met in the Place d’Italie

in Paris, and fucked

in a sculpture studio

on the outskirts of Marseilles.

Following her waking

ritual, she sings a bit of

the Fauré requiem, describes

her unfinished dream

where her old boyfriend

squeezes her breasts

lovingly, then her neck.

Unease reigns

over the walls.

 

Downstairs

the street is like the photo

I left on the radiator:

an old woman twisting her body

to look at the sky

while a black cat

thinks he’s a car

in the middle of the road.

A man throws leaflets

from the fourth floor

to decorate the lawn.

And me—

I continue to look

for sentences in the corners

of clouds hanging from the building.

I close the window the way

I close a book of fantasy,

so as to prevent the sordid

reality from penetrating

my head of lies, shadows,

and vowels.

 

I descend the stairs

enveloped in a massive stench

and I find the sentences

in a bus stop opposite sick trees

waiting to be chopped down.

 

One sentence says to the other

that the tree is a metaphor

waiting to be killed.

And we confront it, we breathe oils

of leaves crushed by sorry passersby

and we claim to have an anger

expressing their destiny.

Chance leaps on my shoulder

and I utter without knowing it

another word drawing attention

to my teeth in the street’s present.

Love, mind, insults or investigation—

I don’t know,

but the sentences begin to address

my neurosis with a sweetness

that is almost suspicious.

 

J’s stepmother opens the window

and nervously tosses out my alarm.

I step on the bus, leaving the sentences

to contemplate their meaning.

I can imagine the scattering

numbers on the sidewalk

announcing my next poem.

 

translated from French by Sam Ross
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